Les couloirs blancs de l'hôpital aux couleurs de l'arc-en-ciel !

Un nez rouge et le cœur sur la main, l'humoriste professionnel Paolo Doss passe chacun de ses jeudis en compagnie des enfants malades des cliniques Saint-Luc

Un petit bras fragile, relié à une perfusion. Quelques jouets épars ne parviennent pas à faire oublier les murs blancs de la chambre d'hôpital. Des ours en peluche qui ne devraient pas avoir leur place ici, pas davantage que le petit bonhomme qui épuise ses dernières forces dans un combat presque perdu d'avance. A qui la faute? Peu importe. Ce qui compte en ces circonstances, c'est de faire naître un sourire sur ces visages d'enfants. Cette vocation, l'humoriste Paolo Doss l' a ressentie dès 1991.
Avec son nez de clown, son amour de la vie et son envie de le transmettre, il a franchi hardiment les portes de Saint-Luc pour proposer ses visites au service de pédiatrie...

«Mon projet n'a suscité aucune résistance de la part du personnel médical. Il faut savoir que la présence des clowns dans les hôpitaux,' si elle a été remise au goût du jour par les Américains dans les années 80, remonte en réalité au début du siècle.» Paolo souhaitait poursuivre cette tradition, dans un style différent de celui des Cliniclowns. Mais en découvrant la réalité des enfants souffrants, il est vite submergé par sa propre émotion et se sent incapable de mener à bien son projet.

«Cette période de doute a duré deux ans, pendant lesquels j'ai fait deux rencontres: celle d'un jeune comédienne, Martine Delrée, que j'ai formée à la technique de clown et qui se disait prête à devenir ma partenaire pour des sketches en milieu hospitalier. Ensuite, j'ai été amené à donner de nombreuses représentations dans les écoles, ce qui m'a permis d'appréhender le rire des enfants, alors qu'à la base, je suis un clown pour adultes.»

Les deux comédiens se sentent prêt, et, sous les noms de Trot'inette et Payoyo, reprennent le chemin de l'hôpital. «Pendant les six premiers mois, ce fut très éprouvant, car ni nous, ni le personnel hospitalier ne savions comment prendre nos marques et établir une collaboration. Au départ, par exemple, nous approchions les enfants sans connaître ni leur pathologie, ni leur origine culturelle, ni leur état d'esprit. Cela a conduit à des catastrophes, par exemple interpeller un enfant muet et attendre qu'il nous réponde. Nous avons donc demandé aux médecins de nous informer exactement de l'état du petit patient, de ses désirs. Car un enfant malade n'a pas forcément envie de rire parce qu'il voit arriver un clown dans sa chambre. Ce droit de décider, nous avons voulu le lui rendre.» .

Un échange enrichissant

«Un enfant malade est un enfant à qui on prend constamment, poursuit l'artiste. Son sang, sa température, sa moëlle épinière, son temps. Nous, nous voulons lui apporter une bouffée d'air de l'extérieur, le distraire. Nous trouvons également important de lui offrir un petit cadeau, car ce dernier peut établir le lien avec les parents. En voyant l'objet, les parents l'interrogeront et il aura lui aussi quelque chose de joyeux à leur raconter sur sa vie à l'hôpital. »

Mal fagoté, le clown rend un peu de sa dignité à l'enfant qui, souvent très appareillé, voit défiler devant lui autant de symboles de l'autorité (médecins, parents, amis. habillés). «Il peut prendre le dessus sur les clowns ou prendre le parti de l'un d'eux, quand nous simulons un conflit, ma partenaire et moi. Parfois, cela fait plaisir à l'enfant de dire qu'il ne veut pas nous voir, c'est sa manière à lui de s'affirmer. Nous devons la respecter, comme nous demandons que les enfants plus âgés nous témoignent du respect. Les traiter différemment, c'est leur rappeler qu'ils sont malades.»

Mais ce n'est pas pour autant que Paolo se prend pour un pédagogue ou un psy au' nez rouge. «Nous ne devons pas nous raccrocher à des résultats; sinon, nous serons constamment en phase avec l'échec. Nous voulons offrir du rêve aux gosses en sachant très bien qu'on ne pourra ni les guérir, ni s'empêcher de penser que la prochaine fois, ils ne seront peut-être plus là. Mais c'est faux de dire que c'est un métier pénible. Ce n'est pas un métier, c'est une vocation, qui nous apporte autant que nous-mêmes pouvons donner aux enfants. »

par Véronique MAES

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Presse
ven, 05 Novembre 1999
Source : 
La Lanterne (bxl)
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