L'enfant que l'on a en soi

En matière de « thérapies» par le rire, les Etats-Unis ont une longueur d'avance sur l'Europe. En Belgique, l'idée commence cependant à faire son chemin.

Citons notamment l'initiative de l'asbl Cliniclowns, qui dépêche dans des hôpitaux, des clowns pour mettre du baume au cœur des enfants hospitalisés, généralement gravement malades. Paolo Doss est clown lui aussi. Il anime depuis 1989 (il a été un pionnier) des stages au thème évocateur: «Retrouver son clown intérieur». Les personnes qui fréquentent ces stages viennent de tous les horizons. Jeunes et moins jeunes, chômeurs ou cadres d'entreprise. Leur seul point commun: ils ont perdu la faculté de rire, de se laisser aller. Paolo Doss: «Certaines personnes viennent parce que c'est la mode, d'autres pour être plus à l'aise dans le cadre de leur profession, d'autres encore parce qu'ils ont envie de faire rire leur entourage.»

«Le rire est capital parce que c'est une tension qui sort, c'est une soupape, un exutoire. C'est une émotion très proche des larmes en fait. D'ailleurs ne dit-on pas pleurer de rire et rire aux larmes ? Je voudrais apprendre aux gens à utiliser le rire comme soupape beaucoup plus tôt dans les situations de tous les jours, avant la crise de larmes justement. Partir d'un rire libérateur facilite en effet bien des choses. Mais pour cela, il faut pouvoir être capable de rire de soi-même: c'est la base même du jeu clownesque.»

Paolo Doss n'apprécie guère qu'on utilise le terme thérapie: «Aujourd'hui, tout le monde peut s' auto-proclamer «thérapeute». Certaines personnes viennent suivre les stages de clown dans l'espoir que je les guérisse de je ne sais quel mal. Je leur réponds toujours qu'ils ne pourront se guérir que si c'est là leur désir. Le rire et le jeu clownesque ne sont que des outils pour y arriver. En ce qui me concerne, je ne livre aucun certificat de guérison et je ne connais aucun clown ayant guéri un enfant d'un cancer ou d'une leucémie. Chacun sa spécialité! »

Pourquoi perd-on notre faculté à rire en grandissant? «Parce qu'on commence à se prendre au sérieux. L'adulte a perdu son étonnement face à la vie. L'enfant, s'il a envie de tenir un discours à un arbre ou à son nounours, va le faire. L'adulte, non. Le clown, c'est l'enfant que l'on a en soi. Lui aussi, s'il a envie de dire à une femme dans la rue qu'il la trouve belle, va le faire sans hésiter une seule seconde. Retrouver le rire, c'est retrouver l'amour que l'on a en soi car le rire est le véhicule privilégié de l'amour. D'ailleurs, ne dit-on pas que pour séduire une femme, il suffit de la faire rue... »


K.A. Paolo Doss, (02) 771.56.58.
"notre temps" N°88-MAI 1995

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Presse
lun, 15 Mai 1995
Source : 
Notre temps