"Plats nets à vendre" Au coeur de la Terre porteuse

Homme: être humain considéré par rapport à son espèce ou aux autres espèces animales; mammifère de l'ordre des primates, doué d'intelligence et d'un langage articulé, caractérisé par un cerveau volumineux, des mains préhensibles et la station verticale. Une définition de dictionnaire pour le moins sommaire à laquelle des philosophes, humanistes s'étaient plu à ajouter, au fil des siècles, le rire, les lumières ou le romantisme...

Aujourd'hui, à quels indices reconnaît-on un être humain? Généralement pressé, speedé, angoissé, il se caractérise par son insatiable et vieux besoin d'aller toujours plus vite, plus haut, plus loin, plus... Passé à la moulinette Paolo Doss, le portrait de l'homme se résume avec une fulgurante ironie à un nez de plus en plus souvent chaussé de lunettes, à une main terminée par un journal de petites annonces, un attaché-case ou quand tout va «bien» - un ordinateur portable, à des yeux constamment rivés sur la montre ou l'agenda (électronique ?).

Selon le clown-poète, tous nos problèmes ont commencé lorsque l'hominidé a oublié l'arbre où il gigotait avec les singes, a mis le feu à la forêt-cierge et s'est inventé des poches. Poches pour l'argent, pour le revolver, poches sous les yeux, poches pour les clés. Clés d'appartement, de voiture, de coffre-fort... Clés sans lesquelles l'homme est perdu, se fait tout frêle, tout démuni.

Partant des origines nébuleuses du monde, Paolo Doss réinvente dans sa langue pleine de chausse-trapes toute l'évolution du globe, son enfance baignée par l'atomesphère et l'infini, puis le big bang créateur, les épousailles entre la cellule de vie et l'oxygène, la fondation du noyau dur et de la première chaîne d'ADN, l'amicale des noyautés. S'inscrivant dans la lignée des Devos, Bruno Coppens, Paolo Doss nous propose avec « Plats nets à vendre» un plongeon au fin fond de nous-même, fait de critiques aigres-douces, de poétiques invitations à l'écoute des battements de cœur de la Terre étouffés sous le macadam, de notre authenticité qui, quand on la chatouille, sort volontiers son petit nez rouge.

Reléguant au placard ses maquillages clownesques d'antan, l'auteur-interprète Paolo Doss s'est entouré, pour la mise en scène, du regard malicieux de Ken N'Diaye et des atmosphères lumineuses de Michel De Bock. Une complicité qui colle au désir d'exploiter au mieux les niches, escalier et percées dans la voûte de la Samaritaine.

par Christelle PROUVOST

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Presse
ven, 04 Juin 1993
Source : 
Le Soir