Un clown sans maquillage avec des mots sans fards

Paolo Doss : un univers, un style, une parole. On ne pourrait le confondre avec personne. Son cinquième spectacle affirme son indéfectible pari sur la vie. Déjà, « J'ai tout fait dans l'œuf », « Des espoirs au singulier », «La graine du pêcher », « Plats nets à vendre» interrogeaient notre façon d'être au monde, entre amour et solitude, pollution, aliénation, exclusion.

Titre-rébus, toujours, où le sens du spectacle est caché et contenu. « Rêve dangereux », celui auquel nous convie aujourd'hui Paolo Doss dont lés mots rauques roulent comme des billes propres à entraîner la chaîne sans fin des révélations sur nous-mêmes ?

D'abord: le choc. Noir partout. Puis, «il» entre. Avec une canne d'aveugle, une épée, un instrument de torture, un outil de recherche ? Attention: symbole ! Dans le fond, le piano de Françoise Hilger et le violoncelle de Kathy Adam. Par moments, une musique viendra de là, pour soutenir certains textes «essence-ciels ». Spirituel, Paolo, dans le double sens du terme! Ce clown à visage nu n'utilise le masque drôle des mots glissant sur leur sens et leur son que pour déboucher sur l'embouchure où ils prennent leur vrai visage: celui de l'amour, de l'espoir et d'une dimension « autre ».

Lucide,très lucide, et courageux, Paolo Doss affirme un type de langage carrément opposé à celui de la télé, de la pub, du prêt-à-penser, du prêt-à-vivre. Il aborde le « langage des signes» quand il parle des graffitis ou qu'il pratique les claquettes, quand il troque sur scène ses hardes de pauvre contre l'habit du chanteur de charme, quand il reprend son maquillage de clown « Payoyo » pour évoquer les visites qu'il rend en clinique aux enfants malades, avec sa complice « Trott'inette », mais quand « la parole, ça crée » s'empare de lui, il la transmet sans fards, telle qu'elle nous rend à nous-mêmes.

On sort de là avec une lumière dans le cœur. Et dans l'oreille, une phrase ultime, inouïe: « Il y a une vie avant la mort! »

par Luc NORIN.

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Presse
jeu, 16 Novembre 1995
Source : 
La Libre Belgique